Souvent, le mois de novembre est considéré comme le mois du deuil, ce qui s’explique par les nombreux jours fériés comme la Toussaint, le Jour des Morts, la Journée de l’Armistice, le Jour de Deuil national allemand et le Dimanche des morts. Cependant, est-ce qu’il n’y a que des raisons d’être triste, parce que tout de suite après, la nouvelle année liturgique commencera, par le premier dimanche de l’Avent ?
Pour Bonhoeffer, Jour de Deuil national allemand signifie « Ne pas geindre, se plaindre mais, face à toutes ces atrocités et conscient de toutes les horreurs et des perspectives d’avenir, ne pas laisser la place à la peur, mais donner une chance à l’espoir, écouter le sermon sur la paix, inclure aussi le royaume de Dieu dans nos réflexions.
Et comment pouvons-nous gérer les conséquences de la guerre provoquée, déclenchée par Poutine ? Puisque je ne suis ni géo-politicien ni chercheur dans le domaine des études sur la paix, je ne puis répondre qu’en tant que théologien. Je voudrais donc faire comme Jésus dans l’histoire du didrachme (Zinsgroschen) : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » (Matthieu 22:21). Ici on fait la différence entre un régime spirituel et un royaume terrestre. Je préfère laisser cet aspect politique, donc profane à d’autres. Jésus ne s’est jamais engagé dans les politiques de pouvoir. De là aussi le refus des Juifs de reconnaître Jésus comme le sauveur. Ils attendaient de lui qu’il libère le peuple d’Israël de la tyrannie et qu’il rétablisse le royaume. Jésus se voyait plutôt dans un rôle pastoral – être là pour les autres, aider, consoler et donner courage ainsi qu’espoir et appeler l’injustice par son nom. Dans le Nouveau Testament, il est question de paix 80 fois, mais seulement 10 fois de guerre. « La paix soit avec vous », est une formule de salutation appréciée par Jésus et aussi par les apôtres.
Ici, il ne s’agit pas de la paix politique mais de la paix intérieure. Cette paix intérieure est une offre que Dieu nous fait, que nous pouvons accepter mais aussi refuser. C’est parce que Dieu nous a appelés à la liberté, ce qui signifie également que nous pouvons réagir, de façon autodéterminée, à des événements extérieurs, que nous ne sommes nullement forcés d’écouter les nouvelles, d’où qu’elles viennent et de quelle nature qu’elles soient. Nous disposons de la même liberté face à des actualités, à des événements environnementaux … Si ces derniers déterminent notre comportement, alors nous laissons ces peurs s’approcher de nous ! Mais n’est-il pas vrai que nous nous laissons influencer par des nouvelles de toute sorte sans remarquer à quel point elles mènent vers l’alarmisme, vers des achats de panique et vers la peur de l’avenir ?
L’idéal serait que nous gardions un calme stoïque, inébranlable malgré toutes les contrariétés, car la paix intérieure nous fut promise. Réagissons comme Jésus le conseille : « Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu; et toutes ces choses vous seront données par-dessus. » (Matthieu 6:33)
Toutefois, cela ne signifie pas pour autant que nous devrions tout subir en silence. L’offre d’amour signifie entre autres : là où il y a danger, nous devons mettre en garde ; intervenir là où l’on a besoin d’aide ; s’opposer là où l’on commet des injustices. Nous avons le droit de, voire nous devons réagir, avoir des sentiments, nous fâcher, éventuellement même nous révolter. Mais ne gaspillons pas notre énergie sur des choses contre lesquelles, de toute façon, nous ne pouvons rien faire.
Lorsque nous nous préoccupons de problèmes qui dépassent nos moyens, nous devenons des pions des événements, des victimes de ceux qui veulent nous faire peur. Ne tombons pas dans le piège des messages dont nous ne sommes pas responsables, pour ensuite ne plus être disponibles, voire paralysés, lorsqu’on a besoin de nous.
La peur et l’angoisse sont quelque chose de normal. Mais ne laissons pas les choses nous effrayer avant qu’elles ne soient vraiment aiguës. La peur, elle aussi, peut être vaincue par la confiance, confiance en la parole donnée par Dieu – son amour des hommes, amour qui a pris une forme concrète dans l’histoire de Noël.
Les semaines de l’Avent à venir nous fourniront l’occasion de trouver une certaine tranquillité intérieure, de reléguer nos peurs au second plan. Cela dépend bien de nous comment, malgré l’adversité, nous organisons cette période de l’Avent : en faisant des petits gâteaux, en décorant l’appartement, en nous réjouissant à la vue d’anges fabriqués dans les monts Métallifères (Erzgebirge, chaîne de montagne entre l’Allemagne et la Tchéquie). Nous réjouir ou encore faire de la musique ensemble.
Ce serait peut-être intéressant aussi de feuilleter la Bible et de comprendre, grâce aux promesses qu’elle contient, ce qu’est Noël. Ouvrir nos cœurs et les portes du monde, telle doit être notre mission durant l’Avent. Nous préparer non seulement pour la venue du Christ mais aussi réfléchir à notre engagement personnel. Ainsi notre paroisse a-t-elle besoin de mains secourables dans les différents comités et au nouveau Conseil presbytéral à élire, de personnes prêtes à participer à l’organisation future de notre paroisse. Mais une tentative d’aller, d’une manière chaleureuse, vers nous autres étrangers serait déjà un début.
Ne nous laissons donc pas empêcher par l’agitation de la période précédant Noël et par nos soucis concernant la paix de faire une introspection. Si jamais les tentatives de paix et de réconciliation échouent, que les paroles de Paul nous remettent debout : « que le Dieu de la persévérance et de la consolation vous donne d'avoir les mêmes sentiments les uns envers les autres selon Jésus Christ. » (Romains 15:5)
Voilà des magnifiques vœux pour l’Avent ! Notre Dieu est un Dieu de patience et de consolation. Donnons une chance à l’espoir dans notre gestion de notre peur et de nos insuffisances !
Dans cet esprit, je vous souhaite une période de l’Avent bénie.
Bien à vous,
Christian Ritter