Newsletter IST n°21 - Février 2020
École des Ponts ParisTech
Direction de la Documentation - Pôle Information Scientifique et Technique
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Tout savoir sur les ressources électroniques
de l'École des Ponts
II - Négociations et enjeux
La fourniture des ressources électroniques est un des piliers de l’activité de la Direction de la Documentation. Vous les utilisez tous les jours et pensez bien les connaître ? Dans deux newsletters, nous vous donnons toutes les clés sur le sujet.
  • Le 29 janvier 2020 : les accès, l’usage et le coût
  • Cette semaine : les négociations et les enjeux économiques
Comment les abonnements sont-ils négociés ?
L’édition scientifique est un marché déséquilibré :
  • les grands éditeurs sont dans une situation d’oligopole : la concurrence ne peut pas jouer car les revues ne sont pas interchangeables,
  • le marché est captif : les bibliothèques sont obligées de souscrire aux abonnements nécessaires aux chercheurs, qui n’en voient pas le coût.
Les éditeurs maintiennent donc des prix d’abonnements élevés, avec des hausses annuelles de l'ordre de 5 à 10% hors négociation, et une marge parfois supérieure à 30%. Pour la forme, les prix peuvent être justifiés par les effectifs des établissements, mais ils ne dépendent en réalité que du consentement à payer des bibliothèques.
 
Les négociations sont donc mutualisées au sein du consortium Couperin : une association qui regroupe depuis 1999 les universités, grandes écoles et principaux établissements de l'ESR français. Les négociateurs sont des documentalistes et bibliothécaires mis à disposition par les établissements pour négocier une ressource à l’échelle du pays.
 
Cette organisation a permis de ramener les hausses tarifaires à 2-3% par an. Mais le rapport de force posé avec les éditeurs atteint ses limites : les documentalistes ne sont pas des négociateurs professionnels, et Couperin manque de relais au sein de la communauté scientifique. Seulement la moitié des chercheurs sont prêts à soutenir une position très ferme allant jusqu’à la rupture d’abonnement comme en Allemagne ou en Californie, comme l'a montré notre récente enquête sur le réabonnement à Elsevier ScienceDirect, et comme le montre cette enquête de Couperin au niveau national.
En 2018 l’éditeur ASCE a annoncé prévoir des hausses annuelles de 5% pour les prochaines années. L'École a donc pris en charge cette négociation à l’échelle nationale pour Couperin, ce qui a permis d’obtenir des tarifs beaucoup plus intéressants à partir de 2020 pour les petits établissements qui ne pouvaient pas se payer l’abonnement.
Quels sont les modèles économiques et leurs enjeux ?
Aujourd'hui : payer pour lire
Le modèle historique est le pay to read : publier est gratuit, mais on paye un abonnement pour lire. Ce système a plusieurs défauts :
  • l’argent public est dépensé deux fois : une fois pour payer la recherche, et une seconde fois pour payer l’accès aux résultats de la recherche,
  • les droits sur les articles sont cédés gratuitement, et les éditeurs limitent la réutilisation : pas de fouille de texte, licences restrictives pour les données associées...
  • il n’y a pas d’accès possible hors des institutions bien dotées. Les cliniciens, ingénieurs en bureaux d’études, chercheurs dans les pays en développement ou le grand public sont souvent privés d'accès.
Les voies de l'accès ouvert
Les négociations récentes visent à basculer le modèle économique vers l’accès ouvert aux publications. Il existe 2 voies pour l’accès ouvert : la voie verte (Green OA : dépôt des articles dans des archives ouvertes comme arXiv ou HAL) qui n’est pas favorisée par les éditeurs pour qui elle n’est pas profitable, et la voie dorée (Gold OA : publication dans une revue nativement en accès ouvert) qui leur offre plus de solutions de financement :
  • facturer des frais de publication (APC - Article Processing Charges), souvent très chers, pour publier les articles en accès ouvert,
  • proposer des revues hybrides, qui mélangent des articles en accès ouvert avec APC, et des articles fermés sous abonnement. Le prix de l’abonnement n’est jamais diminué de celui des APC déjà payés (double dipping).
Le Gold OA sans but lucratif, à coût très réduit, financé par des subventions, est un choix rarement fait par les gros éditeurs.
Les voies de l'accès ouvert : allégorie
 
Sur une idée de Marc VANHOLSBEECK aux JNSO 2019
La transition : payer pour publier en accès ouvert
Le premier modèle “transformant” à tirer parti du Gold OA est l’accord de compensation. Les bibliothèques payent un abonnement pour lire, et obtiennent une compensation pour le prix des APC payés : soit des APC “gratuits” à distribuer, soit une diminution du prix de l’abonnement. L’avantage est de réintégrer dans une négociation nationale le coût des APC autrement payés de manière opaque au sein des établissements. Ce modèle est plutôt défendu par le Royaume-Uni.
 
Le second modèle “transformant” est le publish & read. Il consiste à prépayer une somme globale pour tout publier en accès ouvert, et en parallèle, puisque l’éditeur est déjà payé pour publier, à bénéficier de l’accès gratuit à toutes ses revues. L’avantage est que cela permet une vraie transition vers l’accès ouvert. Ce modèle est plutôt défendu par l'Allemagne.
 
Mais ces modèles transformants sont la plupart du temps négociés à coût constant, sans toucher aux marges des éditeurs. De plus ils font basculer le coût sur les établissements qui publient le plus. Enfin ils favorisent la concentration du marché de l’édition scientifique au bénéfice des quelques grands éditeurs qui peuvent proposer de tels accords.
Demain : you take back control!
La solution devrait passer par la mobilisation de la communauté scientifique, vous donc, qui avez tous les moyens pour reprendre le contrôle de vos outils de diffusion :
  • en déposant systématiquement vos articles dans des archives ouvertes,
  • en évitant de publier dans des revues hybrides et surtout en n’y payant pas d’APC,
  • en basculant les revues, au sein des comités de rédaction, vers un modèle de Gold OA subventionné ou avec des APC très faibles,
  • en créant de nouvelles revues en Gold OA, par exemple des épi-revues adossées à une archive ouverte comme HAL,
  • en se tenant informé et en soutenant les efforts de négociation de Couperin, et en relayant ces enjeux dans vos laboratoires, et auprès des éditeurs et des sociétés savantes.
Le Plan S exigera, à partir du 1er janvier 2021, que les articles issus des projets financés par des agences de financement publiques comme l’ANR soient diffusés en accès ouvert Green ou Gold sans embargo. Il est radical et vise autant à favoriser l’accès ouvert qu’à créer un électrochoc et un débat au sein de la communauté scientifique sur ces questions.
 
L’ANR exige dès maintenant que les articles des projets financés soient déposés dans une archive ouverte 6 mois (STM) ou 1 an (SHS) après la publication. Attention, dès 2021 le dépôt sera exigé immédiatement sans embargo conformément au Plan S.
 
Le CNRS exige depuis 2019 dans son plan Science Ouverte, que toutes les publications issues d’un appel à projet CNRS soient disponibles en accès ouvert, soit en les déposant dans une archive ouverte, soit en les publiant dans une revue en accès ouvert.
 
L’École des Ponts a adopté un mandat pour le partage de la science en 2017, qui impose le dépôt en accès ouvert des articles publiés par les chercheurs des Ponts 6 mois (STM) ou 1 an (SHS) après la publication. Ce mandat fait partie du Plan Science Ouverte de l'École adopté en 2019, qui fixe un objectif de 100% de publications en accès ouvert.
Le Pôle IST est à votre disposition pour vous donner plus d'informations. N'hésitez pas à contacter le documentaliste référent de votre laboratoire :
 
Avatar Romain Boistel Romain Boistel : CERMICS, LIGM, Navier
Avatar Frédérique Bordignon Frédérique Bordignon : CEREA, CIRED, HM&Co, LEESU, LMD
Avatar Delphine Du Pasquier Delphine Du Pasquier : LATTS, LVMT, Saint-Venant
 
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