Dans les comptes de résultats d’une entreprise, sous le code 62 Rémunération, charges sociales et pensions, sont repris les salaires, cotisations sociales et autres avantages salariaux accordés à ses travailleurs.
Ces salaires et avantages sociaux divers, comme les éco-chèques par exemple, sont généralement fixés par des conventions collectives de travail (CCT) et il nous apparaissait donc intéressant de vous donner quelques informations concernant ces accords.
Dans la hiérarchie des sources de droit social belge, ces CCT prennent leur place juste après les dispositions légales (lois, arrêtés royaux, …) et bien avant le contrat de travail individuel. C’est ainsi qu’à travers la signature du contrat de travail, le salaire convenu ne pourra jamais être inférieur au salaire minimum fixé dans une CCT applicable dans l’entreprise.
Mais qu’est-ce qu’une CCT ?
Une CCT est un accord conclu entre une ou plusieurs organisations syndicales et une ou plusieurs organisations patronales ou un ou plusieurs employeurs, fixant les relations individuelles et collectives de travail entre employeurs et travailleurs d'entreprises ou d'une branche d'activité et réglant les droits et devoirs des parties contractantes.
Cette définition montre que la CCT :
- est un accord: ce qui souligne la liberté de négociation des partenaires sociaux; les autorités n'interviennent pas dans sa création ;
- règle les droits et devoirs, tant des employeurs et des travailleurs que des organisations patronales et syndicales.
On distingue 3 types de CCT reprises ci-après dans l’ordre hiérarchique :
- les CCT intersectorielles conclues au sein du Conseil National du Travail (CNT) par les organisations représentatives des employeurs et des travailleurs, et dont le champ d'application s'étend aux différentes branches d'activité et à tout le pays. Les CCT du CNT sont numérotées, la plus souvent citée étant la CCT n°17 en matière de RCC (ex-prépension) ;
- les CCT sectorielles conclues au niveau des Commissions paritaires (CP) et Sous-Commissions paritaires (SCP) par les organisations représentatives qui y sont représentées ;
- les CCT conclues hors organe paritaire, appelées CCT d'entreprise, conclues par une ou plusieurs organisations représentatives des travailleurs et un ou plusieurs employeurs ou une ou plusieurs organisations patronales représentatives.
D'autre part, le CNT ou la (sous-)commission paritaire peut demander que la CCT soit rendue obligatoire par arrêté royal. Dans ce cas, il ne peut y être dérogé individuellement ni pour un employeur ni pour un travailleur (sauf cas exceptionnel où la CCT le permet). Le non-respect d'une telle CCT peut être sanctionné pénalement. Le contrôle du respect de ces conventions est exercé par le Service de contrôle des lois sociales.
Pour obtenir le statut légal de CCT, une convention conclue entre une ou plusieurs organisations syndicales représentatives et une ou plusieurs organisations patronales représentatives ou un ou plusieurs employeurs, doit être déposée au Greffe de la Direction générale Relations collectives de Travail du SPF Emploi, Travail et Concertation sociale. C’est la 1ère étape !
Avant d'enregistrer la CCT, la Direction générale Relations collectives de Travail du SPF Emploi vérifie si la convention répond à la définition légale de CCT et si les critères généraux et spécifiques de validité sont respectés. Comme tout contrat, une CCT, doit répondre à un certain nombre de critères généraux de validité, propres au droit civil et, plus particulièrement, au droit des contrats. Il s’agit des principes généraux suivants du droit conventionnel: accord des parties, capacité civile, objet, cause.
On arrive ainsi à la 2ème étape : ce qui n’est encore qu’un accord entre les parties devient une CCT puisque son enregistrement est une condition de forme substantielle au sens de la loi du 05/12/1968.
La justification de l'enregistrement est double:
- assurer la sécurité juridique grâce au dépôt et à la conservation d'un original qui fera foi en cas de contentieux;
- organiser la publicité de la convention qui est une source de droit étendue à des tiers. Il importe que ces tiers qui, contrairement aux parties, ne disposent pas d'un exemplaire de la convention, puissent connaître les dispositions normatives qui s'imposent à eux.
Quelques mots sur les CCT intersectorielles conclues au sein du CNT : on en dénombre actuellement 160, la dernière ayant été conclue le 19/11/2021 qui introduit une absence autorisée du travail, donc rémunérée, pour un test de dépistage du Covid-19 sur la base du self assessment testing tool.
Les CCT du CNT sont la plupart du temps des conventions-cadres sur base desquelles des CCT sectorielles doivent être conclues pour trouver à s’appliquer (Ex : crédit-temps, RCC).
Quant aux CCT sectorielles, elles sont conclues au sein des organes paritaires que sont les 100 Commissions paritaires et 64 Sous-Commissions paritaires actuellement existantes.
Cette période de fin 2021-début 2022 a été propice à la conclusion de nombreuses CCT, les CP et SCP ayant dû attendre la fin des négociations sur l’accord interprofessionnel (AIP), notamment en matière de marge salariale et des fins de carrière.
Ces nouvelles CCT, conclues souvent pour une période de 2 ans, portent, entre autres, sur :
- les augmentations des salaires barémiques et des salaires réels (hausse de 0,4 %)
- les conditions d’octroi et montant de la prime de fin d’année
- les modalités et montant des éco-chèques
- le modalités d’octroi et montant des chèques-repas
- l’intervention patronale dans les frais de transport
- les montants des primes spécifiques au secteur
- les modalités d’accès à la formation professionnelle
- les régimes sectoriels de pension extra-légale (assurance-groupe)
- les conditions d’accès au reclassement professionnel (outplacement)
- l’exercice du droit au système de crédit-temps avec motif et aux emplois de fin de carrière
- les conditions d’accès au RCC.
Ont également été enregistrées, dans la plupart des CP et SCP, les conditions d’octroi et montants de primes dites "Primes Corona".
Ces primes sont accordées dans le cadre de l'AR du 21/07/2021 modifiant l'article 19quinquies de l’AR du 28/11/1969 pris en exécution de la loi du 27/06/1969 révisant l'arrêté-loi du 28/12/1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs. C’est ainsi que le montant de la prime ne peut dépasser 500 € pour ne pas être considérée comme rémunération soumise aux cotisations sociales.
Les conditions d’octroi varient fortement d’un secteur d’activité à l’autre, de même que le montant se situant entre 100 € pour atteindre 500 € dans quelques secteurs.
Dans certaines CP, le montant de cette prime peut être constituée d’un montant minimal et d’une partie variable selon les performances de l’entreprise.
C’est ainsi qu’en CP 112 (Garages), le montant est fixé comme suit :
"La prime de base s'élève à 250 €.
Cette prime de base sera augmentée avec une partie variable à hauteur de 175 € pour les entreprises qui ont un bénéfice d'exploitation (code 9901 du compte de résultats des comptes annuels) pour l'exercice 2020."
D’où l’importance pour un délégué syndical ou un permanent syndical de pouvoir disposer d’informations sur les bilans et comptes d’une entreprise !
Un exemple concret pour illustrer ce propos !
Un ouvrier occupé dans une entreprise relevant de la CP 111 n’a pas reçu la prime Corona et consulte le service juridique de son organisation syndicale.
Interpellé par celle-ci, l’employeur répond que les conditions d’octroi ne sont pas remplies au sein de son établissement.
En CP 111, l’octroi de cette prime est régi par la CCT du 20/12/2021 (n° 169647) dont l’article 3 §7 stipule : "Les entreprises avec une perte d’exploitation (code 9901) pour les exercices 2019 et 2020 et une diminution de leur marge brute de minimum 10 % pour l’exercice 2020 par rapport à la marge brute moyenne des exercices 2018 et 2019, ne sont pas redevables de la prime corona."
Il faut donc une perte d’exploitation pour 2019 et 2020 ET une diminution de la marge brute.
Certes l’analyse des tableaux en ce qui concerne la marge salariale établit qu’il y a une diminution supérieure à 10 % entre 2020 et la moyenne de 2018 et 2019 :