ICI & AILLEURS - Le Pasteur Hans-Helmut Peters et son « service de la paix pour demain ou encore après-demain » - Deuxième partie
L’excellente « Gemeindechronik » (Chronique de la paroisse), éditée en 1994 à l’occasion du 100ème anniversaire de la Christuskirche par le pasteur d’alors, Wilhelm von der Recke, observe, concernant le chapitre « La Paroisse à l’époque de l’occupation allemande » : « Tout ce chapitre doit être lu sous réserve ; il reflète l’état des connaissances au printemps 1994. Les sources sur lesquelles le texte est basé sont incomplètes. » (Chronik, p. 181)
Or, il y a quelques années, un nouveau témoignage a fait surface, datant de l’époque de l’occupation allemande, en lien avec la visite, il y a quelques semaines, du « Reverend » de la Scots Kirk, l’Église écossaise, Jan Steyn. (L’Église écossaise est située près des Champs-Élysées, dans le VIIIe arrondissement, au 17 rue Bayard.) Le Reverend Steyn vint rue Blanche et m’invita à un culte à célébrer ensemble, le 9 juin, à la Scots Kirk.
Je n’avais aucune idée de ce qui motiva cette invitation. Il m’éclaira rapidement, surtout au moyen d’un livre dont il me fit cadeau : « The Tartan Pimpernel – Donald Caskie. » Le livre contient les mémoires du Rev. Dr Donald Caskie, déjà publiés en 1957, mais rendus accessibles à un public plus large en 1999 seulement. Il était ministre du culte à l’Eglise écossaise de Paris lorsque la Seconde Guerre mondiale éclata. Pendant des années, Caskie avait refusé de faire un récit sur son activité à Paris et en France et ce, malgré l’insistance de ses collègues d’après-guerre. En 1940, après l’invasion allemande en France, Caskie critiqua, du haut de la chaire et sans mâcher ses mots, les maux du national-socialisme. Il dut donc s’enfuir de Paris. Mais il ne retourna pas en Écosse comme on le lui avait recommandé vivement à Edinburgh, mais partit pour Marseille afin d’y rendre possible la fuite de France à des soldats britanniques et alliés. Ainsi contribua-t-il, en tant que membre de la filière d’évasion ‹ Pat O’Leary › de la Résistance, à sauver plus de deux mille hommes. En fin de compte, il fut arrêté par la Gestapo suite à une dénonciation pour être transporté à la prison de Fresnes en 1943, et condamné à mort.
Avant son exécution, Caskie demanda de parler à un pasteur. Ce pasteur intervint dans des cercles influents berlinois, demandant que la condamnation à mort soit commuée. De cette façon, la vie de Caskie fut sauvée, et il passa le reste de la guerre dans un camp de prisonniers de guerre à Saint-Denis. (« Finally imprisoned and sentenced to death, his life was saved only through the intervention of a German pastor. ») [Finalement emprisonné et condamné à mort, il n’eut la vie sauve que grâce à l’intervention d’un pasteur allemand.] Ce pasteur, vous vous en doutiez déjà, était Hans-Helmut Peters. Dans son autobiographie, Caskie note minutieusement et de façon touchante la rencontre des deux ecclésiastiques et leur conversation dans la cellule du condamné à mort, de même que la promesse que Peters lui fit : « I shall do all in my power to save you. But we pastors have no power in the Reich today. I shall try with all my strength. I promise it. » (Caskie, p. 235) [Je ferai tout en mon pouvoir pour vous sauver. Mais nous autres pasteurs n’avons pas de pouvoir dans le Reich, ces jours-ci. J’essaierai de toutes mes forces. Je le promets.]
Caskie quitta Paris au début des années soixante, après y avoir vécu pendant près de 30 ans. Il fut nommé « officier de l’Ordre de l’Empire britannique » (OBE) et également décoré par le gouvernement français pour les services rendus en temps de guerre. Des plaques commémoratives à Marseille et au fort de la Revère, à Èze, où il aida également des soldats emprisonnés à s’enfuir, rappellent son souvenir.
Tout récemment, Anne Hidalgo, maire de Paris, a pris l’initiative de faire dévoiler une plaque commémorative en l’honneur de Donald Caskie, au 17 rue Bayard, le 10 juin, avec le texte suivant :
Donald Caskie (1902 – 1983),
Pasteur de l’Eglise écossaise de Paris 1940 – 1943,
Membre du réseau Pat O’Leary.
Il organisa la fuite de soldats alliés
et a contribué à sauver
de nombreux soldats et civils.
Et qu’est devenu le pasteur allemand Hans-Helmut Peters ? Rentré en Allemagne, il devint « Landesjugendpfarrer », un pasteur qui s’occupe surtout de la jeunesse, et directeur de l’office correspondant de l’Église protestante, à Hanovre. Dans cette fonction, il organisa un grand rassemblement écuménique de jeunes, en 1952 et à Hanovre. Fin 1955, il fut nommé pasteur et « Superintendent » à l’église de Celle, quatre années plus tard « archevêque régional », comme nous disons de nos jours, dans la paroisse de Celle. Lorsque celle-ci fut dissolue, il reprit la paroisse de Calenberg-Hoya, avec Nienburg/Weser comme résidence de fonction, en 1971. Le 1er août 1976, il prit sa retraite.– Après la guerre, il resta en contact avec l’étranger, participa à des conférences internationales organisées par l’Église et fut l’un des délégués de l’Église protestante de Hanovre lors de journées théologiques franco-allemandes. En tant que membre du Conseil fraternel franco-allemand, c’est surtout l’échange avec la France qui lui tint à cœur. Il décéda le 6 décembre 1987.
Pasteur Hartmut Keitel
Photo: Le « Landessuperintendent » Hans-Helmut Peters lors de l’inauguration d’une église
CULTE en souvenir du Rev. Donald Caskie - le 9 juin - 18 h
Comme? Scots Kirk, 17 rue Bayard, 75008 Paris : avec le pasteur Hartmut Keitel