C’est un fait difficilement discutable : il est impossible de faire l’économie de l’Autre. On peut en réduire l’influence et prendre de la distance, aménager ses illusions et se centrer sur soi, réduire sa dépendance et afficher une autonomie insolente, il n’en reste pas moins qu’il faut faire avec lui pour le meilleur et pour le pire. Entre les deux cependant s'étend un immense terrain de jeu et de sourire, d’étonnement et de jouissance, d’amour, d’amitié, d’échanges et de reconnaissance.
« L’autre » cet enfer ! Celui/celle qui ne nous comprend pas, qui ne voit que ce qu’il projette sur nous, qui nous utilise pour protéger ses certitudes. L’autre qui nous pollue pour respirer, l’autre qui nous craint et nous rend responsable de sa faiblesse, l’autre qui nous agresse comme on envoie une facture pour régler le prix de sa propre peur. L’autre que, comme lui, nous évitons parfois de comprendre.
« L’autre » cet enchantement ! L’eau nous vient à la bouche en y songeant parce qu’il y a quelque chose de la source de vie dans ce qu’il nous offre par sa présence. Cet autre à la fois plein de tendresse et de maladresse, l’autre qui brille de mille feux pour illuminer nos ombres et nos tristesses, l’autre qui nous respecte, qui nous soutient et qui nous aime à sa façon c’est à dire comme il peut.
Quelle part laisser à cet autre si puissant parce qu’incontournable ? Comment fait-on pour ne pas se laisser déborder par ses tentatives d’intrusion ? Ou au contraire comment éviter de le rayer de notre carte de vie quant il serait plus sage de se limiter à le contenir ?
Ce que j’observe, c’est que la part à laisser à l’autre est tout d’abord celle qu’il souhaite prendre. C’est à partir de sa volonté que nous pouvons nous positionner. Il ne nous appartient pas de décider pour lui du rôle qu’il veut jouer à nos côtés. Il doit montrer son « jeu », c’est son prix pour nous connaître et pour entrer sur notre territoire. Selon notre personnalité, cette contrée est plus ou moins accueillante, accidentée, difficile à couvrir ou bien totalement ouverte et sans défense.
Pour penser notre relation à l’autre, j’aime bien utiliser le « modèle des frontières » de la psychologue américaine Anné Linden. Selon elle, dans notre communication avec autrui, nous devons choisir entre trois options :
la fusion
le mur
la frontière
Quand nous sommes dans l’amour par exemple, nous pouvons fusionner, nous sentir un avec l’autre, nous laisser aller et peut-être nous perdre pour nous retrouver autre, augmenté, différent.
Quand nous sommes face à une personne qui nous agresse, qui tente de nous manipuler, il vaut mieux ériger un mur et ne laisser personne entrer sur notre terre.
Le plus souvent, dans des relations polies, respectueuses, confiantes, nous pouvons ouvrir nos frontières mais aussi les refermer à la moindre menace.
Vérifiez la posture que vous adoptez dans une situation donnée et demandez-vous s'il ne serait pas plus utile de mettre des frontières dans certaines situations ou d’abaisser vos murs quand vous voulez maintenir la relation, d’être moins fusionnel quand vous attendez de l’autonomie et de la prise de risque. Ainsi vous vivrez plus heureux…
« Si on ne voulait qu’être heureux, cela serait bientôt fait. Mais on veut être plus heureux que les autres, et cela est presque toujours difficile parce que nous croyons les autres plus heureux qu’il ne sont. »
Montesquieu