« Celui qui voudrait vraiment savoir qui il est devrait être un infatigable et fanatique collectionneur de désillusions […] il verrait alors en pleine lumière que la désillusion n’est pas un baume brûlant et destructeur mais un baume frais, apaisant qui nous ouvre les yeux sur les vrais contours de nous-mêmes »
Train de nuit pour Lisbonne, P.Mercier
Que doit-on comprendre par le mot « désillusion » ? Serait-ce un mirage auditif qui finalement nous renverrait irrémédiablement à « des illusions », les nôtres comme si ces dernières ne pouvaient souffrir d’aucune négation ? Préserver mes illusions à tous prix. Ou bien au contraire parce que l’une serait jumelle de l’autre ? Qui s’illusionne fait le choix de la désillusion ! La désillusion c’est être perdu dans ce jeu de glaces.
La désillusion je peux la vivre comme une chute dans un puit sans fond alors que je m’apprête à franchir le pont qui sépare ce que j’espère de ce qui m’arrive. Bien que le paysage sur l’autre rive me paraisse tout à fait clair et la balustrade solide, le sol se dérobe. Peu importe que je m’accroche et que j’y mette toute ma rage, je ne peux franchir le pont. Je tombe. Vais-je à un moment toucher le sol ?
Avez-vous le souvenir d’une de vos désillusions ? Pour vous, est-ce comme une dégringolade ou comme un coup de poignard, quelque chose qui s’effondre ou vous transperce ? Quelque chose qui se délite ou qui vous serre ? Difficile de se souvenir d’une désillusion.
Avez-vous le souvenir d’une illusion ?
Pour moi ce serait un peu comme si tous mes traits pointaient vers le haut et se dilataient dans un sourire, les yeux perdus dans un horizon sans nuage, un vécu qui me remplirait pourtant d’une énergie folle. Ce serait l’illusion d’un monde qui connaîtrait mes attentes et qui s’organiserait pour les satisfaire. Qui est l’illusionniste ? Moi, l’autre, un autre plus grand encore ?
Et vous, quelle est votre illusion ? En quoi vous renseigne t’elle sur votre être profond -celui d’avant les interdits-, sur vos attentes – celles que vous êtes seul(e) à connaître- sur vos rêves –ceux dont vous osez à peine vous souvenir ? Que faites-vous de vos désillusions ?
J’aime cette phrase sage qui dit « vouloir que les choses arrivent comme elles arrivent ». Prenez cinq minutes pour y penser et vous verrez qu’elle est douée d’un pouvoir apaisant. Si vous acceptez de faire l’effort d’envisager ce qui vous arrive comme « ce qui devait être », vous ne serez pas moins triste ni moins en colère mais vous ouvrirez une voie vers quelque chose de dynamique là où vous vous cramponniez en vain à quelque chose qui vous échappe.
Alors que faire de nos désillusions ? S’illusionner c’est bien pour nous si cela nous ouvre la porte du rêve, de l’imagination, de la vision. C’est du bois pour faire du feu. Si ce n’est que l’occasion de se fabriquer un fouet pour se faire mal alors peut-être faut-il s’en servir pour nous faire avancer.