La ville universitaire de Tübingen proche de Stuttgart est systématiquement présentée comme LA ville où l’habitat participatif est devenu le modèle dominant de création de nouveaux logements. Pourquoi cette pratique s’est imposée ici en à peine vingt ans ? Quels sont les enjeux actuels et quelles sont les conclusions utiles pour favoriser le développement de l’habitat participatif en France ?
L’association des Accompagnateurs associés, dont Toits de Choix est membre fondateur, a invité à venir découvrir, le temps d'un voyage d'étude de trois jours du 29/9 et le 1/10, quelques éléments de réponses à ces questions. L'issue de ce parcours de trois jours étant Strasbourg, où la Mairie et la Communauté Urbaine stimulent activement l’émergence de ce type de projets.
J 1 – visite du quartier français, échanges avec professionnels, élus et habitants.
Le visiteur de ce quartier d’env 4 000 habitants est avant tout frappé par l’activité dans la rue et l’absence presque totale de la voiture dans le paysage urbain. Les enfants jouent, partout des gens discutent au pied des immeubles. Cette ambiance rassure, les lieux sont réellement habités. Le deuxième élément remarqué et l’architecture variée, des immeubles hauts en couleur, des formes différentes.
Des largeurs très différentes des bâtiments donne du rythme à la rue. Des constructions neuves cohabitent avec des bâtiments militaires rénovés. Et la nature n'est jamais loin : sur les façades, dans les cœurs des îlots ouverts sur la rue, et il y a même deux vaches qui broutent tranquillement au bord d’un petit ruisseau.
Les origines
Comment cette ambiance a pu naître sur le site d’une ancienne caserne ? M Feldkeller, chef du service de l’urbanisme dans les années 80 et 90 et initiateur, explique la démarche en dialogue avec Mme Steffens, élue municipale de l’époque. Plusieurs intentions ont guidé la naissance et le développement du quartier :
- Créer la ville des courtes distances par la cohabitation entre activités professionnelles et logements
- Créer une ville organique à partir de la compilation de petits projets de tailles et d’esthétiques différentes afin d’animer le rythme du paysage urbain
- Construire un quartier dense d’une urbanité attractive afin de séduire des jeunes foyers fortement attirés par l’habitat individuel des zones périurbaines ou rurales.
Très rapidement, la collectivité constate que les groupes d’habitants apportent systématiquement les meilleures réponses. Par ailleurs, les promoteurs effrayés par la mixité fonctionnelle et par la place réduite de la voiture individuelle dans le quartier, ne répondent que rarement aux consultations. En effet, ce type de ville ne correspond pas aux critères de qualité des « produits » habituellement commercialisés.
L’habitat participatif devient la pratique dominante
Après quelques années d’expérimentation et d’apprentissage collectif, les modèles de l’habitat participatif sont maintenant bien rodés. Les architectes locaux se ont adapté les processus de planification et ils alimentent ce nouveau « marché » par des propositions particulièrement créatives. Des accompagnateurs proposent des services de conduite de projet. Les banques sont les derniers à reconnaître les avantages des Maîtres d’ouvrage citoyens et aujourd’hui, l’essentiel des logements neufs de la ville est réalisé par les futurs habitants.
Quelques données essentielles :
- La procédure : la commune crée des îlots avec un coût du foncier par m2 fixe. Les projets sont sélectionnés selon une liste de critères de qualité. Chaque projet obtient "un tranche" de l'îlot en fonction de ses besoins. Le groupe dispose ensuite de six mois pour confirmer son projet et de signer un compromis de vente.
- Env 5% des candidatures retenues ont abandonné leur projet avant le compromis de vente. Aucun projet a été arrêté après cette signature.
- La taille des groupes varie entre 2 et 35 avec une grande majorité de projets entre 5 et 15 logements.
- Seule 20% des logements ont été réalisé par des promoteurs ou des investisseurs.
- Le coût de sortie pour les groupes en autopromotion se situent entre 2 300 eu et 2 800 eu TTC m2 habitable (il y 10 ans).
- L'essentiel des projets se monte en auto-promotion. Les coopératives d'habitants ne représentent pas plus de 10% des surfaces construires.
- Les rdc des immeubles recoivent obligatoirement des locaux d'activités.
Conclusions
Le quartier français est un projet pilote d’une nouvelle politique publique urbaine qui cherche à répondre aux enjeux actuels identifiés. L’habitat participatif n’est qu’un moyen adapté pour atteindre ces objectifs. Et en même temps, les habitants que nous avons rencontrés expriment leur entière satisfaction et il semble difficile de trouver un logement à acheter ou à louer. Tous témoignent d’une véritable convergence entre l’intérêt général et une démarche citoyenne. Et quand l’initiative d’en haut rencontre une mobilisation venue d’en bas, l’innovation radicale devient possible. Suite à cette expérience réussie, la ville décide en 2002 d’appliquer la même méthode à tous les projets d’aménagements publics. C’est le cas du Mûhlenviertel que nous avons visité le deuxième jour de notre voyage.
La suite de notre récit de voyage dans notre prochaine lettre d’information.