Suite à la commercialisation, puis au retrait, par l'enseigne Décathlon d’un « hidjab de course » la question se pose de savoir si le slogan qui s’appliquerait le mieux à nos sociétés ne serait pas « la forme détermine le fond ». Ou plus simplement le « paraître » définit-il « l’être » ?
En enfilant un maillot de Neymar, les jeunes s’identifient aussitôt à leur idole. Avec sur le dos un maillot floqué « Ardéchoise » ou « Astana » un cycliste est instantanément catalogué « bon rouleur ». Un joggeur équipé de vêtements techniques signifie son appartenance au monde des amateurs éclairés et se distingue du coureur occasionnel en survêtement de base. Un snowborder avec un anorak aux couleurs des Jeux olympiques d’Albertville, serait instantanément raillé et déconsidéré. Désormais, nous jugeons malheureusement le monde sur le premier coup d’œil et ce type d’évaluation s’applique à presque tous les domaines...
Une pomme bien ronde, bien rouge et exempte de défaut extérieur sera souvent choisie avant sa voisine tachetée (même si cette tendance commence à s’inverser). Il est bien connu des designers et des commerçants qu’un bel emballage fait vendre. Nos sociétés nous ont insidieusement forcé à porter un jugement sur un produit, mais aussi sur un humain, à partir de sa seule apparence.
Nous sommes ainsi devant un paradoxe. Les partisans du communautarisme (en fort développement) sont fiers de s’identifier à leur groupe par des marques vestimentaires distinctives ou des comportements spécifiques, alors que simultanément la demande individuelle de liberté et d’indépendance n’a jamais été aussi forte !
Mais nous sommes aussi face à un dilemme. Doit-on soutenir l’esprit communautaire ou l’esprit individuel ? Faut-il faire des différences selon les sujets (le sport, le patriotisme, le métier, les revenus, l’origine, le sexe, la religion…) ?
À ces questions chacun peut avoir sa réponse. Une chose est sûre il faut bannir ce qui peut contribuer au malaise, à la haine et à la confrontation. La religion est évidemment depuis la nuit des temps le sujet des plus fortes discordes. Sans doute a-t-il été absurde de polémiquer à ce point sur ce fameux « hidjab sportif » mais, dans la mesure ou il met en confrontation directe un mode qui s’identifie à ce symbole et un autre qui le refuse, le retrait semble avoir été la juste réponse. Dans nos sociétés actuelles, « l’habit fait malheureusement le moine », contrairement à ce que pensait Plutarque, il y a deux mille ans, en écrivant « Barba non facit philosophum ». Ce qui signifiait « La barbe ne fait pas le philosophe ». Les temps changent !