La Lettre du Professeur Joyeux est un service d'information indépendant sur la santé, spécialisé dans la
prévention des maladies auprès du grand public et des familles.
L’agriculteur, le premier acteur de notre
santé
C’est gravissime, les
agriculteurs ne parviennent plus à vivre de leur travail. Chaque été, on voit
ainsi se développer un mécontentement qui se traduit par des manifestations
bruyantes sur les routes ou les lieux de vacances.
Cette année le ras le
bol est à son comble. Producteurs de lait, de viande, céréaliers, viticulteurs,
arboriculteurs… sont en colère. Alors, tel un emplâtre sur une jambe de bois, le
Président tout puissant débloque 600 millions d’euros pour calmer le monde
agricole. L’Etat démuni en est à recommander que les cantines scolaires
s’approvisionnent en viande fraîche « française » (20 % des débouchés de la
filière) et pas en Argentine, comme le font certains restaurants étoilés. Pour
apaiser les esprits, on annonce aussi que la viande française sera choisie en
priorité dans les restaurations collectives de l’Etat.
La confiance
n’existe plus. Les promesses du ministre de l’Agriculture comme celles du
Président ne sont que du vent. Personne n’est dupe : les réunions ministérielles
ne servent à rien.
Et en attendant, la concurrence continue de faire
rage entre les pays de la zone euro, la Pologne, l’Allemagne, l’Angleterre… La
viande française est trop chère pour les budgets serrés des hôpitaux où l’on
mange si mal, des écoles et même de l’armée. C’est la grande distribution, lobby
puissant, protégé des politiques, qui fait ses choux gras sur le dos des
agriculteurs.
Pendant ce
temps-là, à Milan…
En pleine
crise agricole, on fanfaronne à Milan où les visiteurs de l’exposition
universelle ont découvert dans le Pavillon France un grand jardin potager,
vitrine d’une agriculture écologiquement intensive. Ont-ils été
convaincus ? J’en doute, vu les retours que j’ai eus d’amis qui ont passé du
temps à Milan pour les vacances. Ils ont surtout le souvenir de leur
porte-monnaie qui a bien fondu à cette occasion.
Face à la situation
actuelle de l’agriculture française, comment peut-on ainsi se vanter de nourrir
la planète ? Oser écrire : « La capacité de production française et sa
contribution pour l’équilibre des marchés mondiaux, ses modèles agricoles et
alimentaires, sa capacité d’innovation et de transfert technologique, ses
établissements d’enseignement et son ouverture internationale, sans oublier la
dimension gastronomique »…
Oui, oser écrire cela, c’est se moquer
du monde… Car le modèle français est aujourd’hui obsolète. Il a fait son temps.
Seuls les agriculteurs et les consommateurs peuvent, ensemble, l’orienter
autrement.
Le slogan
international des lobbies de l’agro-alimentaire
On connaît bien Monsanto et autres semenciers
internationaux, leurs OGM et PGM (organismes et plantes génétiquement modifiés)
que veulent implanter les ingénieurs agro et les experts des ministères. Leur
credo, qui a été choisi pour slogan de l’exposition universelle de Milan, c’est
cela : « Nourrir la planète, Énergie pour la vie ». Ils croient nourrir
la planète en arguant de leur (fausse) générosité, le cœur sur la main,
produisant des produits de moindre qualité pour un plus grand nombre, nous
faisant croire que leur agriculture productiviste est la solution pour supprimer
la famine dans les pays très pauvres.
En réalité, ces semenciers
s’enrichissent sur le dos des paysans qu’ils ont dépossédés de leur droit de
produire et d’utiliser leurs propres semences en leur vendant des grains
incapables de se reproduire.
Nous
oublions d’où provient ce qui arrive dans notre
assiette…
S’enrichir, ce n’est
pas ce que cherchent les agriculteurs de terrain. Ils veulent vivre dignement de
leur travail. Ils ont les mains dans la terre, sont au plus près des animaux,
les nettoient, les aident à mettre bas, les nourrissent, suivent leur croissance
et décident de leur avenir pour nous, les humains consommateurs. Nous oublions
souvent d’où provient ce qui arrive dans notre assiette, où a poussé et où a été
élevé ce qui arrive dans notre « palais des saveurs ». De quel travail
admirable, de quelles sueurs d’hommes et de femmes sont issus ces légumes et
fruits, ces morceaux de viandes savoureuses, ces poissons des mers qui nous
entourent…
Le gaspillage alimentaire doit être réduit car il traduit le
non-respect des aliments que la Terre nous procure. Il traduit aussi la
surproduction et donc la qualité incertaine de certains aliments préparés par
les industriels qui n’hésitent pas à ajouter conservateurs, colorants,
exhausteurs de goûts, arômes artificiels qui nous éloignent de la nature et sont
souvent responsables d’allergies, d’intolérance, de maladies auto-immunes de
plus en plus nombreuses.
Notre santé
dépend largement de ce que nous mangeons
Qui est à l’origine de tout ce que nous apportons à notre
organisme pour le faire croître, le maintenir dans le meilleur état de santé ?
C’est l’agriculteur ! Il peut être le premier acteur de notre bonne ou de notre
mauvaise santé.
C’est démontré aujourd‘hui, les perturbateurs
endocriniens, les pesticides et insecticides abiment la construction de l’enfant
dans sa vie intra-utérine. Anomalies congénitales, infertilité, cancers des
enfants mais aussi perturbations immunitaires conduisant à des lymphomes
trouvent leur source dans l’agriculture productiviste.
Les OGM et PGM
n’apportent rien de plus à notre santé, contrairement à ce qu’on nous chante,
comme nous le verrons dans une prochaine pétition. Nous demanderons la
transparence totale sur les produits issus de ce type d’agriculture, afin que
les consommateurs ne soient pas trompés et puissent choisir en connaissance de
cause.
On vient de démontrer que les moustiques résistent par simple
sélection naturelle aux insecticides, ce qui permet de voir apparaître en
métropole des cas de Dengue ou de Chikungunya, et bientôt de fièvre jaune.
L’avenir est aux bio-insecticides qui seraient des toxines bactériennes
inoffensives pour l'homme et très toxiques pour les larves de moustiques. À
voir. Car on doit maintenant penser à protéger les abeilles. Elles souffrent
tellement de l’agriculture productiviste que certains en viennent à évoquer leur
disparition et, bien au-delà, en raison des difficultés de pollinisation, la fin
de notre humanité.
La
révolution agro-écologique est en marche !
Face à ces menaces, ce sont les agriculteurs et les
consommateurs qui peuvent ensemble développer les solutions : la révolution
agro-écologique est en marche !
D’ailleurs, les rares agriculteurs qui
s’en sortent aujourd’hui vendent à la ferme, savent fidéliser leur clientèle
avec des produits du terroir, issus d’une agriculture raisonnée ou raisonnable,
mieux encore biologique ou biodynamique.
Nous ne pouvons mieux dire que
résumer les 8 propositions de notre très cher ami Pierre Rabhi pour vivre en
prenant soin de la vie. Elles peuvent paraître utopiques à certains. Je ne
le crois pas, car elles rejoignent la dernière lettre du Pape François « Loué
sois-tu… », que je conseille de lire et méditer. Elles proposent aussi la
vraie écologie, celle qui n’a pas de bannière idéologique, celle qui croit
en l’homme et se bat pour son avenir : cet avenir a un sens tant pour les
croyants que pour les incroyants.
« La planète Terre est à ce jour la
seule oasis de vie que nous connaissons au sein d'un immense désert sidéral. En
prendre soin, respecter son intégrité physique et biologique, tirer parti de ses
ressources avec modération, y instaurer la paix et la solidarité entre les
humains, dans le respect de toute forme de vie, est le projet le plus réaliste,
le plus magnifique qui soit. »
Ce texte ci-dessus et les propositions qui suivent sont
extraites de La Charte Internationale pour la Terre et
l’Humanisme, écrite par Pierre Rabhi pour le mouvement
Colibris, issue de son livre « Vers la Sobriété Heureuse »,
paru en 2010 aux éditions Actes Sud.
Ces propositions réinventent «
un modèle de société pour proposer une alternative au monde d’aujourd’hui.
Pour que le temps arrête de n’être que de l’argent, pour que le silence
redevienne merveilleux, pour que la logique du profit sans limites cède face à
celle du vivant, pour que les battements de nos cœurs ne sonnent pas comme des
moteurs à explosion, et enfin pour vivre et prendre soin de la vie. »
1 -
L’agro-écologie, pour une agriculture biologique et
éthique
De toutes les activités
humaines, l'agriculture est la plus indispensable, car aucun être humain ne peut
se passer de nourriture. L’agro-écologie que nous préconisons comme éthique de
vie et technique agricole permet aux populations de regagner leur autonomie,
leur sécurité et leur salubrité alimentaires, tout en régénérant et préservant
leurs patrimoines nourriciers.
2 -
Relocaliser l'économie pour lui redonner un sens
Produire et consommer localement s'impose comme une
nécessité absolue pour la sécurité des populations à l'égard de leurs besoins
élémentaires et légitimes. Sans se fermer aux échanges complémentaires, les
territoires deviendraient alors des berceaux autonomes valorisant et soignant
leurs ressources locales. Agriculture à taille humaine, artisanat, petits
commerces…, devraient être réhabilités afin que le maximum de citoyens puissent
redevenir acteurs de l'économie.
3 - Le
féminin au cœur du changement
La
subordination du féminin à un monde masculin outrancier et violent demeure l'un
des grands handicaps à l'évolution positive du genre humain. Les femmes sont
plus enclines à protéger la vie qu'à la détruire. Il nous faut rendre hommage
aux femmes, gardiennes de la vie, et écouter le féminin qui existe en chacun
d'entre nous.
4 - La
sobriété heureuse contre le « toujours plus »
Face au « toujours plus » indéfini qui ruine la planète
au profit d'une minorité, la sobriété est un choix conscient inspiré par la
raison. Elle est un art et une éthique de vie, source de satisfaction et de
bien-être profond. Elle représente un positionnement politique et un acte de
résistance en faveur de la terre, du partage et de l'équité.
5 - Une
autre éducation pour apprendre en s'émerveillant
Nous souhaitons de toute notre raison et de tout notre
cœur une éducation qui ne se fonde pas sur l'angoisse de l'échec mais sur
l'enthousiasme d'apprendre. Qui abolisse le « chacun pour soi » pour exalter la
puissance de la solidarité et de la complémentarité. Qui mette les talents de
chacun au service de tous. Une éducation qui équilibre l'ouverture de l'esprit
aux connaissances abstraites avec l'intelligence des mains et la créativité
concrète. Qui relie l'enfant à la nature, à laquelle il doit et devra toujours
sa survie, et qui l'éveille à la beauté et à sa responsabilité à l'égard de la
vie. Car tout cela est essentiel à l'élévation de sa conscience.
6 -
Incarner l'utopie
L'utopie n'est
pas la chimère mais le « non-lieu » de tous les possibles. Face aux limites et
aux impasses de notre modèle d'existence, elle est une pulsion de vie, capable
de rendre possible ce que nous considérons comme impossible. C'est dans les
utopies d'aujourd'hui que sont les solutions de demain. La première utopie est à
incarner en nous-mêmes, car la mutation sociale ne se fera pas sans le
changement des humains.
7 - La
terre et l'humanisme
Nous
reconnaissons en la terre, bien commun de l'humanité, l'unique garante de notre
vie et de notre survie. Nous nous engageons en conscience, sous l'inspiration
d'un humanisme actif, à contribuer au respect de toute forme de vie et au
bien-être et à l'accomplissement de tous les êtres humains. Enfin, nous
considérons la beauté, la sobriété, l'équité, la gratitude, la compassion, la
solidarité comme des valeurs indispensables à la construction d'un monde viable
et vivable pour tous.
8 - La
logique du vivant comme base de raisonnement
Nous considérons que le modèle dominant actuel
n'est pas aménageable et qu'un changement de paradigme est indispensable. Il est
urgent de placer l'humain et la nature au cœur de nos préoccupations et de
mettre tous nos moyens et compétences à leur service.
J’ajoute à ces
propositions humanistes que nous devons revisiter nos comportements alimentaires
et les distancier des produits industriels : nous devons choisir plus de
végétal que de produits animaux, sans les excès des végétaliens (végans), le
plus possible bio, de saison et de proximité.
Ainsi, contrairement à
ce que pensent et disent les semenciers internationaux, l’agriculture
biologique peut nourrir le monde.
Bien à vous tous, excellente fin de mois d’août
Professeur Henri Joyeux |