« Le seul mauvais choix est l’absence de choix. »
Amélie Nothomb
Il existe des phrases qu’on ne peut entendre sans réagir. On dit qu’elles font résonance c'est-à-dire qu’elles font vibrer un écho agréable ou désagréable dans notre expérience. Pour ma part il s’agit du « J’aurais pu être…». Autant la version chantée, le "J’aurais voulu être un artiste » m'entraîne, autant sa déclinaison dans le quotidien m’irrite.
Pourquoi tant de crispation pour la nostalgie de ce qui aurait pu être ? La réponse est dans la question. Il s’agit de savoir à quoi sert la nostalgie. Est-ce un boulet qui nous empêche d’avancer et nous amarre au passé tel le voilier qui du port regarde les bateaux prendre le large ? Ou bien est-ce une prise de conscience salutaire du deuil que nous devons faire pour passer à autre chose ?
Dans le cas de l’hypothétique passé du « j’aurais pu… », il me semble qu'on reçoit la double peine du passé-boulet et de l’avenir-bouché, pétrifié sur l’axe du temps, enchaîné par nos désirs inassouvis et nos espoirs mort-nés. D'où irritation.
Faire des choix c’est renoncer. On ne peut pas prendre tous les chemins au risque de passer à côté de ce qui aurait parfaitement combler nos désirs. Cependant, en renonçant on entretient le désir et l’espoir d’un ailleurs plus satisfaisant. N’est-ce pas l’essentiel que ce désir toujours intact, celui qui nous retient face au vide du non-désir, du tout étreint, du manque de sens ? Un « j’aurais pu… » nostalgique pourquoi pas, mais suivi d’un « j’ai choisi… » conquérant les possibles.
Je pense que nous pourrions tous dresser la liste de ce que nous aurions pu être et que nous ne sommes pas. Certains « aurais pu » peuvent encore s'actualiser (une activité, une rencontre, un statut…), c’est la vertu dynamisante et créative de la formule. Elle permet d’éclairer de nouvelles routes, d'activer des entrains en friche. D’autres méritent un examen plus sévère.
Au fond de nous, nous savons que certains « j’aurais pu » ne parlent pas de notre moi tangible ; davantage dictés par la pression sociale, familiale ou le pur fantasme que par la satisfaction d'un épanouissement personnel réaliste. Ces « j’aurais pu… » d'un moi idéal ne servent qu’à nous flageller, c’est une perte de temps et d’énergie. Nous savons pertinemment que nous ne le serons/ferons jamais parce que nous n’en n’avons pas envie ou n'en avons pas les moyens. Cessons donc d'investir à perte.
Mon conseiller bonheur –femme pétillante, universitaire lumineuse, mère sensible et comblée- m’a fait découvrir l’amusant, léger et pertinent « The happiness project » de Gretchen Rubin. Le projet de Gretchen est de créer du bonheur par un programme d'actions précises et le respect de ses 12 commandements. Le premier consiste en un « Be Gretchen ! » soit un glissement plus accessible et efficace du « Deviens ce que tu es » de Pindare.
« Be + votre prénom » c’est agir en fonction de ce que vous êtes vraiment. Prenez le temps de le dire à voix haute, vous sentirez la différence. Chaque fois que vous vous lancez dans un projet et que vous pouvez dire « BE+votre prénom ! » avec la même plénitude, vous êtes vous-mêmes.
Les 12 commandements de Gretchen (à vous de rédiger les vôtres)
1- Sois Gretchen
2. Laisse filer
3. Agis de la façon dont tu veux te sentir
4. Fais-le maintenant
5. Sois poli et courtois
6. Apprécie le voyage
7. Dépense
8. Identifie le problème
9. Détends-toi
10. Fais ce qu'il est bon de faire
11. Ne calcule pas
12. Il n'y a que l'amour
Etablir ses propres lois et sa discipline au sein de celles communément admises c’est jouir de davantage de liberté et accéder à un bonheur accru. Pourquoi s'en priver ?
« Puisque je ne suis pas capable de choisir, je prends le choix d’autrui. »
Montaigne