La ville universitaire de Tübingen proche de Stuttgart est systématiquement présentée comme LA ville où l’habitat participatif est devenu le modèle dominant de création de nouveaux logements. Pourquoi cette pratique s’est imposée ici en à peine vingt ans ? Quels sont les enjeux actuels et quelles sont les conclusions utiles pour favoriser le développement de l’habitat participatif en France ?
L’association des Accompagnateurs associés, dont Toits de Choix est membre fondateur, a invité à venir découvrir, le temps d'un voyage d'étude de trois jours du 29/9 et le 1/10, quelques éléments de réponses à ces questions. Après un premier article dans notre dernière lettre d'information, voici le récit du deuxième jour à Tübingen.
J 2 – Visite du Mühlenviertel, l'un des derniers quartiers participatif à Tübingen.
Après le succès des « Baugemeinschaften » (Groupes d’autopromotion) dans la réalisation du quartier français, la ville de Tübingen décide de généraliser ces principes et méthodes de travail à tous les projets de développement urbains publics. Elle crée une société publique qui acquiert des friches industrielles, les remet en état et développe le foncier dans le cadre d’une opération d’aménagement similaire au quartier français.
Des groupes sont choisis dans le cadre d’un appel à projet ouvert et leur sont attribués du foncier correspondant à leurs besoins. Il faut préciser que le prix des terrains est annoncé dès la publication du cahier des charges de la consultation. Les candidats ne sont pas sélectionnés en fonction de leur offre mais selon des critères architecturaux, environnementaux et sociaux.
La pratique est maintenant rodée. Le nombre des candidats est quatre fois supérieur aux m2 disponibles. Cet engouement stimule les porteurs de projets et hisse la qualité des propositions vers le haut.
Une concertation encore plus large
Nous rencontrons dans la matinée l’une des architectes qui a travaillé avec plusieurs groupes du Mühlenviertel et qui l’habite aussi avec sa famille. Lors de la visite, nous découvrons un quartier essentiellement résidentiel avec des espaces publics pacifiés et généreux mais pas d’activités aux rez-de-chaussée comme dans le quartier français. Annette Hähnig-Gemmeke nous explique que ce quartier, qui ne représente qu'un quart du quartier Français, s’intègre déjà dans un tissu urbain assez dense. Lorsqu'ils ont été invités à participer à la planification, les « voisins » ont vite exprimé leur inquiétude concernant les commerces et services déjà présents. C’est pourquoi la ville a décidé de ne pas imposer des activités comme elle l’avait fait dans le quartier français.
Le rôle des professionnels de la conduite de projets
Nous en apprenons aussi un peu plus sur les structures de « Projektsteuerung ». Ces professionnels de la conduite de projet interviennent systématiquement à partir d’une certaine échelle. Jusqu’à 3 ou 4 logements, ce sont les architectes qui gèrent le projet directement avec les habitants. Au-delà, ce sont ces professionnels de la conduite de projet qui accompagnent les groupes de la naissance de l’idée jusqu’à la livraison. Toits de Choix s’est inspiré de cette pratique au moment de sa création et nous contribuons depuis au développement de ce nouveau métier, reconnu en Allemagne comme l’une des conditions de réussite majeure des projets participatifs.
Quelques données essentielles du Mühlenviertel :
- 700 habitants, sur 4 ha
- La taille des groupes varie entre 4 et 15 foyers.
- Seule 20% des logements ont été réalisé par des promoteurs ou des investisseurs.
- Le coût de sortie pour les groupes en autopromotion se situe entre 2 500 € et 2 800 € TTC m2 habitable. La valeur actuelle est estimée à 3 200 €.
- 4 fois plus de candidats que de foncier disponible.
- Temps de l'opération entre l'acquisition du foncier par la ville, le projet d'aménagement, la sélection des candidats et la livraison des derniers logements : 4 ans
Conclusions
Le Mühlenviertel est l'expression d'une évolution du modèle participatif de Tübingen. Moins contraignant pour les habitants et davantage concerté avec les habitants des environs, il perd une partie de sa radicalité mais gagne en accessibilité au plus grand nombre. Par ailleurs, la population est bien moins militante que celle du quartier français. Certains regrettent cette évolution. Mais, à nos yeux, la qualité de ce cadre de vie reste exceptionnelle et la méthode sera peut-être plus facilement adaptable à notre contexte.
La suite de notre récit de voyage dans notre prochaine lettre d’information.